24 février 2008

Das Leben geht weiter

Une semaine est passée depuis mon retour de Berlin. J'avais vite perdu certaines habitudes, je les ai vite retrouvées. Parmi elles: faire la queue au cinéma pour acheter bravement mon billet.

Je suis allée voir "into the wild", j'ai bien aimé. Sean Penn filme des paysages incroyables sans jamais en faire trop. La solitude de son héros, bien que parfois justifiée un peu à la va-comme-je-te-pousse, est touchante grâce au lien incroyable et tenace qu'il entretient avec la nature. Quelques passages m'ont un peu agacée (essentiellement la description de la famille du héros, que je trouve assez bancale), mais c'est un bon film.

Oui je sais, les français l'ont déjà vu depuis des plombes et je les entends déjà me demander, étonnés: "quoi, tu viens seulement de le voir??".
C'est l'un des mystères qui me rend dingue: énormément de films américains (mais curieusement, pas tous) sortent en Allemagne un à deux mois plus tard qu'en France, sans que j'arrive à savoir précisément pourquoi. Une question de distributeur et d'achat de droits, sans doute. A moins que le doublage (systématique en Allemagne, autre sujet qui me tape sur les nerfs) demande lui aussi un peu plus de temps? Keine Ahnung. J'ai posé vaguement la question à Berlin, et j'ai eu droit à des réponses toutes aussi vagues.

En tout cas, lorsqu'on a des cinéphiles en France qui vous répètent à chaque coup de fil "ah oui c'est vrai, t'as pas encore vu le dernier film des frères Coen" ou encore "comment, le dernier Cronenberg vient seulement de sortir??", c'est frustrant. Mais bon, l'essentiel, au fond, c'est qu'ils arrivent! Or ils finissent toujours par sortir ici. Mais je regrette en permanence de ne pas pouvoir être à Berlin pour voir les films en VO... parfois les doublages sont corrects, parfois ils sont atroces et peuvent foutre un film en l'air. Encore un gros point d'interrogation: pourquoi la VO est-elle si rare en Allemagne, dès qu'on s'éloigne de Berlin-Hambourg-Münich?

Des différences techniques, il y en a donc un paquet entre la France et l'Allemagne. Mais il en existe d'autres qui sont moins visibles. Je les avais déjà senties, et plusieurs discussions avec les autres membres du jury ont confirmé cette impression: la façon d'appréhender le cinéma change entre la France et l'Allemagne. Bon, avant de tomber dans l'écueil de la généralisation: des passionnés et des indifférents, il y en a dans les deux pays, c'est certain. Mais ce qu'on a remarqué, c'est par exemple la vision qu'on avait de la séance de 11 heures.
Pour moi et pour pas mal de gens de mon âge je pense, c'est la séance pratique qui me permet d'aller régulièrement au cinéma sans me ruiner, puisqu'elle est à prix réduit. D'accord, on perd le côté sympa du cinéma le soir, mais perso j'y renonce avec plaisir si cela me permet d'aller plus souvent au ciné.
Markus et Julian nous confiaient qu'en Allemagne, la séance de 11h c'est -pour beaucoup- la séance des "freaks", des types un peu louches qui ont le nez collé à l'écran et des lunettes double foyers.
Markus nous racontait que ça a dû lui arriver une ou deux fois dans sa vie... jusqu'à la Berlinale bien sûr. Julian, après un an Erasmus en fac de ciné à Paris, s'y est habitué. En une année, il est allé 110 fois au cinéma... ce qui ne lui est jamais arrivé en Allemagne.
A quoi ça tient? A différents critères: des solutions relativement avantageuses pour les étudiants, l'énorme diversité des films proposés, les ciné d'art et essai qui font le pari de contourner l'actualité. Et quelque chose dans l'air, sans doute.
Ce qui existe aussi en Allemagne ça ne fait aucun doute - mais différemment. Avec le succès des oeuvres grand public comme "Good-Bye Lenin" ou "La vie des autres", avec des réalisateurs tels Fatih Akin ou encore ceux de la "Berliner Schule", qui proposent un cinéma plus intimiste qu'on a souvent rapproché de la nouvelle vague, les regards se tournent de plus en plus outre-Rhin. J'ai senti à Berlin une émulation incroyable qui a fait vraiment plaisir.
Maintenant, j'ai hâte de voir si "drifter", notre gagnant, va faire son chemin... Parisiens et Nantais, ouvrez l'oeil, il passera au prochain festival du cinéma allemand!

19 février 2008

Je suis dans un drôle d'état, qui pourrait rappeler le retour de colo des enfants ou la fin de la tournée d'un chanteur. Après dix jours très intensifs et passionnants, je me sens vide et n'ai qu'une envie: me planquer pour toujours dans une salle obscure.

Mais avant cela je vous raconte brièvement les derniers jours, riches en émotion. Je pourrais citer par exemple notre dernière grosse discussion avant de prendre une décision finale. Peter Sehr (cf photo) et Katja qui nous félicitent pour la qualité de nos débats. La rencontre fantastique avec Uli Hanisch, membre du jury international et l'un des meilleurs chef décorateur allemands, tout heureux de rencontrer des jeunes "Jurykollegen". Nos discussions sans fin sur, devinez quoi, le cinéma. Deux minutes après notre décision, le fatidique coup de téléphone commençant par "Die Jury hat sich entschieden". La remise des prix, où nous arrivons les nerfs en compote.

Markus (à gauche) annonce notre mention spéciale, qui va au très bon court-métrage "Lostage" de Bettina Eberhard.

Et moi qui ai le droit de d'annoncer devant toute la presse que notre vrai gagnant est le film documentaire "Drifter" de Sebastian Heidinger (petit reportage d'arte à voir ici ). Enfin nous avons le droit de nous exprimer sur ce film qui nous a tous beaucoup touché. Le dialogue avec Sebastian et son équipe est super intéressant, le second visionnage du film ne fait que confirmer notre décision. En espérant que le film, dont le sujet très dur fait fuir les professionnels, trouve rapidement un distributeur.
Il s'agit du quotidien de trois ados qui traînent autour de la gare Zoo à Berlin, en se débrouillant pour vivre. Leur vie est faite de ventes de journaux, de drogue et de prostitution. Le film montre une relation exceptionnelle bâtie entre l'équipe du film et les protagonistes, entre confiance et absence totale de jugement. Leurs petites manies, leurs corps, ce contraste flagrant entre l'angélisme de ces jeunes et la dureté de leur quotidien, l'innocence qu'ils dégagent parfois sans même s'en apercevoir, tous ces thèmes font de "Drifter" un film touchant et très réussi, dont on espère tous qu'il fera un bout de chemin en Allemagne - voire même en France, puisque le gagnant de dialogue en perspective passe automatiquement au festival du film allemand de Paris et de Nantes.

Pour Perspektive deutsches Kino, notre section, c'est terminé. Il nous restait la partie glamour et paillettes: la grande remise des prix, le film de clôture "Be kind rewind" de Gondry, et l'énorme soirée au Berlinale Palast. Le champagne coule, les larmes aussi. C'est notre dernière soirée ensemble, et ces dix jours nous ont sacrément rapprochés. Personne, je crois, ne peut vraiment comprendre ce qui s'est passé dans nos têtes.

Je quitte Berlin le cœur gros, mais certaine de continuer sur cette voie là. Cette expérience m'a fait comprendre que le cinéma devient pour moi plus qu'une passion. C'est charnel, physique, intellectuel, c'est une drogue qui ne me quittera jamais. Elle m'a permis de connaitre des gens géniaux, et ça n'est que le début.
A propos de gens géniaux: voici le cadeau qu'on a fait pour Katja, notre grande soeur qui nous a toujours présenté à ses amis sous le doux nom de "meine Jury"...

13 février 2008

Voyage voyages

Le nord de la France avec Doillon. Paris vu par des Coréens grâce à Sangsoo. New-York par Patti Smith. L'Autriche grâce à Spielmann. L'Espagne populaire de Bunuel. Le Mexique via Zonca. Téhéran par Assmann. Oswice par Thalheim.

etc, etc.

De Berlin, je vois le monde entier. Le monde entier est à Berlin. Wir sind auch dabei.


10 février 2008

Boulimie cinématographique.

Les films s'enchaînent de plus en plus. Ceux de notre sélection, un ou deux par jour, et tous les autres que nous réussissont à voir. Nous procurer des billets est d'une telle facilité que c'en est presque insolent.
Vu hier les courts métrages "Robin" et "Teenage Angst", l'interminable "fabrique des sentiments" et le formidable "There will be blood" qui devrait rafler un gros nombre d'ours.

Dans une heure je vais voir "Julia", le dernier Zonca, ensuite "Am Ende kommen Touristen" - par le gagnant de "dialogues en perspective" d'il y a deux ans - puis, après le documentaire de notre section "Football under cover", on ira voir le film sur Patti Smith. Notre moyenne pour l'instant est d'environ 3 à 4 films par jour. Et c'est un sentiment magique à chaque fois que les lumières s'éteignent.

L'ouverture de notre sélection "dialogues en perspective" s'est faite vendredi soir, sur le film "Berlin, 1. Mai". Une salle bondée, une rangée réservée pour nous, et le directeur de la section qui nous présente... et nous réclame sur scène. Voilà les 7 jeunots du jury alignées en rang d'oignons devant 500 personnes, dont la moitié étaient les équipes des films de la sélection. Impressionnant.
Le plus impressionnant étant sans doute notre premier dialogue après le film. Mais là-dessus, secret défense!

Après ce travail intellectuel, place à la détente. Une soirée était organisée pour notre sélection, dans une énorme salle du cinéma VIP de la Berlinale, où se déroulent toutes les avant-premières officielles. Une fête incroyable qui nous a permis de rencontrer pas mal de gens, et de mieux nous connaître aussi.

Bref, beaucoup à raconter, tellement que nous nous forçons chaque jour à mettre les grandes lignes par écrit, de peur d'oublier certains moments importants.

Et maintenant je dois vous laisser, le premier film de la journée m'attend.

08 février 2008

Jour 0

Premier jour chargé, comme tous ceux qui vont arriver. Ne m'en voulez pas de tout raconter en style télégraphique...

10h, les membres se retrouvent dans le hall de l'hôtel et font connaissance. Jury assez jeune, de 18 à 23 ans, mais super intéressant. Certains sont étudiants en cinéma, d'autres en cursus LLCE allemand ou franco-allemand. Des personnalités super différentes, mais l'ambiance est bonne.
Notre "grande soeur" s'appelle Katja. Etudiante en école de cinéma, elle bosse pour la Berlinale, coordine notre programme, et nous accompagne partout, toujours un grand sourire aux lèvres.

Après un passage au siège de l'OFAJ et un super repas dans le Nikolaiviertel, nous sommes partis nous balader, profiter de ces dernières heures de liberté pour boire un verre et mieux nous connaître.

(tous les membres du jury n'y sont pas. En haut, les deux "doyens" du jury, Julian et Markus, en bas Julian et Susanne, la cadette)


Après avoir constaté qu'en fait nous aurons peu de temps pour voir les autres films des autres sélections, nous nous sommes quand même concoctés un programme archi-chargé, mais enthousiasmant.
Un café plus tard il est déjà l'heure de repartir pour l'hôtel. Nous sommes présentés au président de notre jury, qui vient d'arriver. Après une présentation et quelques questions, on replonge dans le U-bahn direction le Zoo Palast, où nous assistons à l'avant-première de "Shine a light", un documentaire de Scorcese sur les Rolling Stones.


Malheureusement nous n'étions pas dans le cinéma où les Stones et Scorcese présentaient le film... dommage, mais on ne peut pas tout avoir. Et on s'est vite rendu compte, vu les queues interminables devant notre ciné, qu'on était quand même super privilégiés d'avoir des billets pour l'avant-première.
La salle est immense, et l'ambiance quasi aussi chaude que si les Stones étaient là. Ça applaudit, ça boit du champagne et ça se bouscule pour les meilleures places - pas nous, heureux détenteurs des billets, installés tranquillement avec les autres privilégiés 15 min avant tout le monde.

Le film... est frustrant. C'est à 90% un concert des Stones filmé par Scorcese, à 10% un patchwork d'archives d'interviews, d'images. La Scorcese-touch manque. Le début du film est très drôle, S. se met en scène en train d'organiser le tournage du concert, s'acharnant pour soutirer au groupe une play-list digne de ce nom, groupe qui s'amuse gentiment à faire tourner "Marty" en bourrique en lui refilant la play-list... 1 minute avant l'entrée sur scène.
Cette intro n'est malheureusement qu'une intro... la musique arrive et ne part plus.
Bon, ne crachons pas dans la soupe non plus, il s'agit de véritables bètes de scène dégagant une énergie incroyable. On est quand même transportés et enthousiastes... mais ce qu'on n'a vu n'était pas un vrai film. On s'en va charmés mais frustrés, et surtout pressés d'attaquer la fiction.

Pour nous c'est demain que tout commence. Je ne peux malheureusement pas dire grand chose, étant tenue au plus grand secret! Le film s'appelle "Berlin, 1. mai". Pas encore eu le temps de me renseigner dessus, mais j'ai déjà reçu au moins 100 pages de doc sur tout le festival que je tenterai d'ouvrir un de ces quatre.
Je ne pensais pas qu'on aurait des journées aussi chargées! Mais c'est super excitant... Et les gens qui nous encadrent sont super.

Love from Berlin!

02 février 2008

Le calme avant la tempête.

Je suis en vacances, il ne pouvait rien m'arriver de mieux. Après la journée franco-allemande, la journée porte ouvertes et ce cours désastreux sur la chanson "Paris" de Camille, où mes élèves se sont montrés aussi enthousiastes que des mollusques sous neuroleptiques, j'avoue que je n'avais qu'une envie: oublier le lycée pour un petit bout de temps. C'est chose faite, ouf!

Suis maintenant à Leipzig. Soirée à l'école des beaux-arts, dîner (lecker!) avec Albine et son amoureux, concert au Gewandhaus ce soir, petite virée à Dessau demain, bibliothèque of course... les jours passent agréablement, je respire. Mais surtout, j'attends.

Ben oui, j'attends. J-4 avant mon départ pour Berlin. Entre temps, le jury dont je fais partie a eu droit à son communiqué de presse et je dois avouer que c'est assez excitant de voir mon nom dans la liste. Le programme a été lui aussi publié... pas mal de films français, le nouveau Guédiguian, Laetitia Masson, Jacques Doillon, Gondry etc, une rétrospective Buñuel, le nouveau Scorcese... sans compter la sélection Dialogues en Perspective, qui compte 13 films et qui sera pour moi un passage obligé. Et je suis bien loin de m'en plaindre!

Le président de "mon" jury cette année s'appelle Peter Sehr. Il est réalisateur et producteur, et compte parmi ses quelques succès le film "Kaspar Hauser", pour lequel il a gagné le prix du meilleur film allemand il y a une dizaine d'années. Il a depuis fondé avec son épouse française une maison de production franco-allemande... d'où sa présence dans le jury.

J'ai vu il y a quelques jours le prix de l'an dernier: "Prinzessinenbad". Un documentaire sur cinq copines de 15 ans qui passent leur été autour de la piscine en plein air "Prinzenbad", dans Kreuzberg à Berlin. Elles glandent, picolent, draguent, se marrent, parlent mecs, sexe, école, avenir. Des p'tites nanas au caractère bien trempé, drôles et attachantes, et une réalisatrice qui a su rester en retrait pour les laisser s'exprimer. Un très bon premier film... que tous ceux qui vivent en Allemagne et qui lisent ces lignes n'hésitent pas à le voir! Il est disponible en dvd...